mercredi 29 juin 2016

Qui est S.D. (3)

Chères lectrices, chers lecteurs de mon coeur,

Je ne sais pas pourquoi j'ai commencé ce blog. Pour parler sans doute. Pour parler n'importe comment. Certains articles se voulaient légers. D'autres, informatifs. D'autres encore, et là la chose est plus étrange, d'autres sont plus profondément liés aux événements posés sous mes pieds, comme le gravat  des chemins d'usine.

J'ai beaucoup menti. Un très cher oiseau me corrigerait sans doute, j'ai beaucoup plasmé. J'ai l'expression poétique, au sens assez banal du terme. Je formule des images que j'entasse, laborieusement, sur des situations, des expériences. Des images que je voudrais adéquates, signifiantes, mais également couvrantes, entre pudeur du voile et contrainte de la camisole. Un subtil air de folie rôde en ces parages.

Mais chères lectrices, chers lecteurs, aujourd'hui j'ai besoin de prendre le risque. Ces immeubles imaginaires pèsent sur ma poitrine. Il faut les souffler. Ni trop, ni trop peu. Aujourd'hui, je m'expose un peu plus. Peut-être serez-vous déconcertés. Peut-être douterez-vous de la réalité de ce que je présente: est-ce une nouvelle fantaisie, celle-ci n'est pas drôle, S.D. n'oserait tout de même pas, ce serait un niveau de perfidie proche de la cruauté, etc. Je prend le risque.

Un événement fondamental. J'avais peut-être huit ans. À l'école primaire, un jour échappé du regard des surveillants, le gardien de l'école m'emporta dans une sorte de petite pièce sombre, me retira mon short et me toucha. On frappa à la porte. Il me rhabilla, et on sortit. Ce n'eut lieu qu'une fois.

J'avais quatorze ou quinze ans quand le souvenir de cet événement accosta au rivage de ma conscience. Il ne me hante pas. Les images restent, mais ne me hantent pas. Je peux dérouler le fil sans aucune sorte de trouble. Aussi ai-je toujours cru que la chose était digérée. Ça arrive à beaucoup de gens, non? J'ai de la chance de m'en rappeler comme ça, ç'aurait pu être pire, je ne vais pas en faire tout un fromage, je dois jouer à mes jeux vidéos, je dois passer le bac, je dois préparer ces colles de maths, je dois passer les concours, je dois valider mes crédits, prendre ce diplôme, plonger dans la thèse, améliorer mon cv, etc. Ça ne peut pas être si grave.

J'ai rencontré F, nous avions seize ans. Nous nous sommes aimés douze ans. Trois mois après le début de notre relation, je lui ai raconté l'événement fondamental. Elle m'a rappelé cette semaine que je lui avais aussi demandé de ne le dire à personne. Nous avions seize ans. Peut-on porter cette chose à seize ans ? Elle a tenu parole, n'a rien dit à personne. Pendant douze ans. De longues années où elle fut la seule à savoir.

Notre couple se sépare en ce moment. Nous nous aimons. Mais notre couple se sépare.

J'ai bâti mon corps en haute tour de pierre. J'ai planté au sommet de ma poitrine l'échafaud où pendouille mon coeur idiot. Quand le vent souffle, trois points rouges s'en détachent, unique repas cet hiver pour sa bouche affamée.  Sur qui tracer la croix du blâme dans ce tableau macabre ?

C'est une belle séparation. Après le déluge, tout est confus, les puissances sont mêlées. Puis la mer se retire. La terre émerge. Un fin sable blanc les sépare. L'onde admire la cime, la cime admire l'onde. Un fin sable blanc les unit.

Et las ... j'ai échoué. Je pensais pouvoir en dire plus. Mais les images sont trop fortes. Je capitule. Je vous raconterai. Promis. Mais là, je capitule. Je vous aime, chères lectrices, chers lecteurs de mon coeur. Soyez indulgents je vous prie.

sd

ps: si vous pensez avoir été surpris par quelque concordance grammaticale, sachez que cela importe peu, ce n'est que la première peau.