mercredi 30 novembre 2016

Sonnet du berlingot

Tes paroles de miel
                                 ont inondé ma bouche.
Et moi, qu'ai-je à t'offrir ?

Je forme 
Du bout de ma langue
             un berlingot d'ambre
             une pointe de réglisse.

Refuse-moi encore si je ne suffis.
Et
     glisse dans la bouche de ta bien-aimée
     ce sucre que j'ai muri...

Alors
     ce me sera encore
     écouter le miel de ta poitrine.

sd réconfortée

ps : il s'agit d'un sonnet irrégulier, d'accord. C'est-à-dire que, incapable, pour l'instant, d'en écrire un régulier, j'ai largement triché, me contentant de découper. C'est, si j'ai bien compris, la liberté moderne du vers : )

lundi 28 novembre 2016

Mélancolie de merde

Vous me fatiguez. Foule de mes cheveux à mes tempes, qui frappez comme le fuyard aux portes du temple, qui espère l'autel, qui rend déjà le culte aux dieux alors que la balle noire n'a pas fini de le traverser.

Ma bouche est viciée. C'est un puit de pétrole, cadavre et fantôme d'une forêt, autrefois efflorescente, aujourd'hui déliquescente. Toutes les pourritures de langue font séminaire. Elles exposent leurs théories. Et la pauvreté, et la honte des calembours, et le geste paresseux de l'anus, se défaisant, qui vomit et libère le liquide noire : une mélancolique merde mêlant colique.

Voyez plutôt.

*

C'est une nuit de pleine Lune
Tâchée de nuages bleus
             déchirés.
La silencieuse comète
Tantôt se cache
Tantôt se révèle.

Et la forêt de pins noirs
Autour du lac et
De la pierre de l'autel
Tantôt s'évanouit
Tantôt,
             de cette lumière douceâtre
             de ces millepertuis
             comme autant de dents blanches,
Sourit.

**

Il a fait froid.
C'était un vent de pierre dans l'encolure.
Et, affaiblie, je cherche le sommeil.

Est-il si déraisonnable
D'espérer un lit,
Et non le pas d'un glacier,
De se promettre des paumes ?...

Tes paumes ...
Tournées vers une autre nuit
Vers d'autres étoiles – encore vivantes.
Plutôt qu'un astre
                              presque froid.

Un dernier battement a frappé l'espace
Et la cloche de l'air
Presqu'étouffée
Répète et rayonne
                               le dernier écho.

***

Vieil homme à la mer
Battu par les flots
Porteur du sanglot
d'un message amer,
Tu gis esseulé
Creusé comme un roc
Bouteille brisée
D'un lourd coup de soc.

Tes lettres amènes
Nouvellement nues
Ont manqué l'aubaine
Ont perdu la vue.

Elles flottent
Blanches ailes
Et demeurent
Éternelles
Sans retour
Ni d'espoir
Ni de leur
Tombeau noir.

****

Quand les larmes percent
Comme l'herbe hirsute le goudron
La lourde dalle de paupière,
Aveuglée de cette eau froide
Voilée de solitude
Prête l'oreille.

Accueille le murmure symphonique
Sous la dalle océane
De la foule des noyés, tes frères.

Ainsi tes larmes goûteront d'autres larmes
Ton sel d'autres sels
Et mêlant ta faiblesse aux leurs
Vibreront les lèvres de ta bouche éteinte.

Et cela suffira.
En ces profondes altitudes
C'est déjà de la chaleur.

*****

Tout ce qui précède est mauvais. Béance baveuse du moi, comme disait je sais plus qui. C'est mauvais mauvais mauvais. Et je voudrais être poétesse ? Pfff ... aveugle, et sourde; qui ne fait que répéter et chercher l'aval. Incapable d'autarcie. Le viol n'est pas une sainte onction. Ce n'est pas un contrat engageant le diable, garantissant la jouissance d'un fruit temporaire. Alors que je cesse de rêver. Et que je plante à ma langue, un clou de girofle. Que je continue bouche béante mon travail de clown triste fonctionnaire.

sd fatigante

vendredi 25 novembre 2016

Slam

Eh bien ... je me suis essayé au slam. Expérience étrange. Assez enrichissante. Monter sur scène, et porter sa voix. Cela partait d'un défi lancé subitement. Et j'ai écrit quelque chose à la hâte; en reprenant des thèmes, des images, des situations que vous, lectrices et lecteurs qui me suivez, reconnaîtrez sans doute. Hélas, je ne suis pas très fière de ce texte. D'abord, parce que je n'ai pas osé, le soir de la représentation, y apposer mon vrai nom, Scons Dut. Puis, parce qu'il m'apparait comme un ensemble rapiécé, cousu d'étoffes disparates, qui, prises isolément scintille peut-être, mais ensemble ... offrent une allure carnavalesque, répétée tant de fois déjà, exsangue et vampirisée (heautontimoroumenos ...). Et puis, surtout, la déclamation exige une forme différente. On ne versifie pas pour l'oreille comme pour l'oeil. Et il ne faut pas faire de théâtre. Pour cette première expérience, j'ai voulu éviter ce qui me semble être un écueil trop peu évité parmi le maigre échantillon de slameurs que j'ai pu écouter : la surmultiplication de rimes, assonances, allitérations, internes, et répétitions. Je comprend bien l'aspect incantatoire que ce procédé d'écriture peut fournir, et l'espèce de transe qu'elle suscite. Mais il y a toujours ce risque du dévoiement, de la perte d'intensité, comme un fleuve qui atteignant son delta s'affaiblit de tant de ramifications.

(il n'y a bien que L qui, empruntant cette voie, m'émeut pourtant; mais sa bouche en puit, si bien au-dessus de son coeur, chante un très puissant fleuve ... ô ivresse ...)

Évitant Charybde, je tombe en Scylla : le timbre prosaïque. Il y a toujours à la frontière de la simplicité formelle, le précipice de la fadeur. Il faudra, si je m'y essaie à nouveau, une autre forme. Surtout lorsque je prétend célébrer les galantes fêtes de l'Amour. La cible n'est pas tout à fait atteinte, mais les prochains pas le long de la voie m'ont été montrés. Nous verrons.

*

Bonsoir.
C'est la première fois que je ... slam (c'est comme ça qu'on dit ?)
Alors, je ne sais pas trop quoi dire.
Ah! ... je pourrais, si ça vous dit, vous parler d'Amour, de ses ... flammes.
Je ferai de mon mieux, je contiendrai, comme je peux, le blanc délire.

À vrai dire, je ne me sens pas très bien ...
Ma voix, comme un écho, faiblit
Je sais, ça n'a l'air de rien
Mais la fatigue me gagne et cette estrade fait un bien mauvais lit.
Il faut pourtant que je tienne droit, ou bien ...
faire comme Ulysse convié au manoir du noble Anténor; vous connaissez la scène ?
Ménélas fit le premier un beau discours,
Mais quand se leva Ulysse le subtil
Il se tint d'abord immobile, les yeux fixés sur le sol,
Sans remuer son micro, ni en avant, ni en arrière;
Il le gardait tout droit, comme un homme hébété;
On l'aurait cru quelqu'un qui s'est fâché, ou qui est sot.
Mais quand, de sa poitrine il laissa sortir sa grande voix,
Et des mots pareils à des flocons de neige en hiver,
Alors personne avec Ulysse n'aurait pu rivaliser,
Et ce n'était plus l'allure d'Ulysse qui étonnait la foule.

[extrait modifié pour la circonstance de l'Iliade, III, v. 216-224, trad. Jean-Louis Backès]

Ah ... des mots pareils à des flocons de neige en hiver
Ah oui ça c'est beau, ça c'est une image glorieuse
Mais moi, chère audience, là devant toi, et tes beaux yeux pers
Ce qui sort de ma bouche n'est que salive, tempête baveuse.

Alors comment faire ? Quoi dire ? Quel charme appliquer ?
Faut-il que j'invoque une Muse ? que j'emprunte l'illustre verbe de Melpomène ?
Rah fils d'Aphrodite, vois ton oeuvre, mon coeur de tes flèches piqué !
Et la honte, et le feu sous ma peau,
     et, comme Sappho, je brûle sous ton regard amène.

Las! trop tard, les images ont surgi,
je suis aveugle,
je vois l'arrière-monde, l'interstice,
ses peuples fantômes de boeufs qui meuglent,
et l'éternel supplice
Je vois le miel jaillir comme l'amant
des ruches de l'Hymette, et gonfler les ruisseaux.
Je vois les racines éclatantes de sève,
Je vois tonner et tonner encore
la lourde la vaste l'insondable clameur des fleurs.

Voyez!
le tumulte d'ailes blanches zébrer le ciel,
s'ébrouer d'iridescents élytres,
et des anges électres sabrés d'alcools,
Un peuple magmoïde fuyant la bouteille volcanique
Se répandre sur la pierre torride
un lourd litre de miel.

Tout n'est que vitesse,
tout de tes flèches est percé,
Tout fuit comme une liesse
et le monde, de tant d'amour blessé,
comme un encensoir d'Icare,
s'allège,
s'élève
et plus près du soleil s'égare.

Hélas, quel soleil fit fondre la cire de toutes ces ailes ? Je ne sais pas.
Mais, le monde, comme une pierre froide, enfin sombre
dans l'ineffable nuit,
longue nuit d'oubli.
Un sommeil en lambeau
à la forêt de tes cils
Près d'un lac de cornée
Il pleut dans ta pupille
une nuit blanche
comme un océan de lait.

Et depuis, roule sur cette buée  une tempête
vide de battements, sans rime valeureuse,
sauf peut-être la bouche idiote d'un ridicule poëte,
qui répand sa pluie idiote, ridicule et baveuse.

J'en ai peut-être trop dit.
Il faut maintenant déposer la lance,
Et mon bouclier près de moi témoigne du lit,
Où j'épouserai le sommeil en robe de silence.

sd bramante

jeudi 24 novembre 2016

Sceller

En ce moment, entre autres, j'ai une légère inclination pour le verbe «sceller». Peut-être parce qu'il évoque une sorte d'opération magique. Opération par laquelle des choses sont contenues, et d'autres, protégées. Alors oui, les plus illustres magiciens ont scellé des cavernes, des trésors, des urnes, des amphores, etc. ça n'a pas toujours marché : la boîte de Pandore. Mais on peut bien supposer que de ces lieux si bien scellés, on n'en entendra pas parler. Ainsi sommes nous, à notre insu, sauvés.

Alors, moi, qui suis moins illustre, je n'ai dans ma besace que de simples charmes, ceux qui règnent sur le vaste quotidien. Et, en guise d'hommage, je répète ces gestes. Je scelle la porte de mon réfrigérateur. Je scelle mon tube de dentifrice. Quand l'ennui tente de s'échapper par ma bouche entrebaillée, ma main scelle. Qu'une beauté singulière traverse le passage piéton, je détourne, rougissant, mon regard. C'est encore sceller. Je multiplie ainsi à foison les bandelettes imprégnées d'encens, et les dépose patiemment sur tous ces angles silencieux, toutes ces aspérités de l'ombre. Invisibles, ne témoignant de rien, sauf d'un aimant voile de fumée, elles sont là pourtant.

(et je les poserai encore sur tes yeux, ou ... enfin c'est peut-être trop ... sur une de tes côtes)

sd voodooïde

lundi 21 novembre 2016

Enregistrement de Maya Angelou

Je suis tombé sur un enregistrement de Maya Angelou, poétesse américaine que je ne connaissais pas. Évidemment, chères lectrices, chers lecteurs, qui me suivez depuis quelque temps, vous comprendrez vite pourquoi cette parole m'interpelle. Et cela me touche, ce dimanche matin frais de soleil et d'azur, plus que je ne l'aurais cru. Je retranscris. Ma seule intervention se limite à l'organisation en paragraphes.

*

When I was seven and a half, I was raped. 

I won't say severely raped, all rape is severe. The rapist was a person very well known to my family. I was hospitalized. The rapist was let out of jail and was found dead that night. And the police suggested that the rapist had been kicked to death. I was seven and a half. I thought that I had caused the man's death. That was my seven and a half year old logic.

So I stopped talking for five years.

Now, to show you again how out of evil there can come good, in those five years, I read every book in the black school library, I read all the books I could get from the white school library, I memorized Shakespeare, whole plays, fifty sonnets. I memorized Edgar Allan Poe, all the poetry. Never having heard it, I memorized it. I had Longfellow, I had Guy de Maupassant, I had Balzac, Rudyard Kipling.

When I decided to speak, I had a lot to say, and many ways in which to say what I had to say.

So out of this evil, which was a dire kind of evil, because rape on the body of a young person, more often tan not introduces cynicism, and there is nothing quite so tragic as a young cynic. Because it means the person has gone from knowing nothing to believing nothing. In my case, I was saved in that muteness. And I was able to draw from human thought, human disappointments and triumphs, enough to triumph myself.

 **

Mais pourquoi ces paroles me touchent tant ? ... oh il faut que vous regardiez la video, Maya Angelou est si belle ... tout, dans les traits de son visage, dans ses yeux, dans la lente et sûre marche de sa voix, comme une barque tranquille sur un large et puissant fleuve, ... oui, elle incarne une puissance qui me fait défaut, que j'aimerais faire mienne, ... Elle a triomphé.

Parce qu'elle nomme simplement, et précisément, ce qu'elle a subi à sept ans et demi. Evil. Mais, une fois la chose nommée, la chose est conjurée. Ce ne fut pas facile (cinq années de silence, et d'après mon survol de sa page wikipedia, une vie mouvementée). Mais elle nous montre que du bien peut encore émerger de ce mal.

Oui. Oui. Dit comme ça, c'est un cliché. Mais il y a tant de sincérité, tant d'innocence dans sa tenue. Comme dire «je t'aime»; combien de dents roulantes ont usé ces mots si simples, et pourtant, quelle force!

Peut-être que je projette trop. Et il est bon que je le craigne. Je voudrais dire «ô ma soeur», mais, ma langue dans l'huile d'ambivalence, qui sait ?, peut-être «ô soeur sur le trône que je convoite». Enfin, qui dit que ce trône ne peut accueillir qu'une seule couronne de lauriers ? ah ma morgue ...

Et puis «rape on the body of a young person, more often than not introduces cynicism, and there is nothing quite so tragic as a young cynic. Because it means the person has gone from knowing nothing to believing nothing.» ... eh bien ... je ne sais plus quoi dire.

Ou peut-être.

    ô soeur lointaine,
    assomption de poussière
    comme une fine voile d'azur,
    tu illustres le lever
    du flottant soleil blanc.

sd

samedi 19 novembre 2016

Le miel restera doux

Il va sans dire que le monde perçu par une abeille
doit être bien différent du nôtre.
(ne serait-ce qu'en termes d'architecture écclésiastique)
Mais 
plusieurs fois par jour 
elle part butiner et revient. 
Peut-être.
(autant d'Iliades et d'Odyssées)

ô abeille... 
petite bulle 
de jaune et de noir 
vibrante.
 
Et si on glissait un petit billet d'amour
autour d'un pistil bien choisi,
irait-elle se charger l'arrière-train
de cette cendre plus subtile?
 
Elles feraient des rondes au foyer de leur ruche
pour manifester le sens et le rayon.

Quel miel en tireraient-elles ? 
J'ai voulu dire doux-amer
mais ce n'est pas vrai.

Car l'abeille ne fera rien de ce billet d'amour 
autour du pistil bien choisi. 
Il n'y aura pas d'osmose de l'encre au nectar.

Le miel restera doux

sd recyclante

jeudi 17 novembre 2016

La fête

Et si nous devions, ici-bas, préparer la fête
    celle qui se jouera
    derrière la porte entrouverte.

    (mais qui traverse en cette voix ?)

Ces compagnons rencontrés le long du chemin,
    les reverrai-je alors ?

Image paisible dans le cadre de bois.
Allongé sur le lit
ajustant mon linceul,
passez encore devant moi
    frères, soeurs, amis
    êtres baignés de l'eau d'un tilleul

ô ... iridescente cascade
       de la vasque débordante
   ... l'onde complète et fraîche
       aux puits de vos prunelles
   ... voici versé de mes paumes le volume
       et la soif déjà s'annule.

ah, lactescente toile !
ah, commence, fête d'éternité !

sd

mercredi 16 novembre 2016

Le bec et la pierre

Les fables naissent aux vains lieux que nous n'attendons plus. Ce matin, je voyais un corbeau fouiller par le bec une poubelle pleine. Il était si déterminé, si résigné. Emblème d'endurance. J'ai cru entendre sa plainte.

« Ah ! Endure, vieil os de mon bec. 
   Il faudra encore t'user aux papiers gras.
   Papiers scellés de souvenirs en sauce blanche
                    (très épaisse!)
   où s'amoncellent les frites bileuses
   de la viande, noire comme la nuit.
   Comme vous luisez, vers minuscules,
   constellation jetée sur cette pourriture.

   Ah ! comme je regrette le temps de mes premières ailes 
   qui tonnaient leur volubile noirceur au-dessus des lourds pommiers.
   Alors la Nature, pleine jeunesse du sucre,
   tout entière s'évadait en fragrances.
   Bise parfumée, de roses, de lys, de cannelle,
   de safran, de camphre et de soufre.
   Immense et vaste encensoir.
   Ah ! comme j'étais, alors, le maître
   le Roi de cette houle, sa Gloire !

   Ah ! mais ... 
   mais ...
           (bris d'os contre le fermoir d'aluminium)
   je délire ... où ai-je puisé ce rêve qui jamais ne fut ?
   Rêve brumeux
   Fumée du feu absent ...
 
   ô poubelle ouverte, qu'as-tu dégagé ?
   poubelle venteuse
   cendres d'un charnier éteint ...
   putride pierre noire 
   où s'use le vieil os de mon bec ...

   mais, patience, mon bec, et endure. 
   Puisque cette pierre te nourrit. »

J'ai essayé de le rassurer, mais il s'est envolé aussitôt. Je ne saurais pas dire qui de la poubelle ou de moi il a fui.

sd, cadipso

mardi 15 novembre 2016

82

Je me demande ce que j'aurai à dire à 82 ans... Enfin, si j'arrive à cet âge. Il me semble toujours que je vais mourir demain. J'en branle pas une pour autant. C'est dire l'ampleur de ma paresse. Mais qu'aurai-je à dire, donc, à 82 ans ? Imaginons ...

J'ai 82 ans. Et demain, je m'éteins. Avant, je voudrais dire encore une chose.
Le futur d'abord. Ce sera pas long. Dites au boucher que je ne pourrai pas préparer le coq pour la fête samedi. 

À mon âge, il me semble avoir vécu assez peu. Quel rapport en faire ? Et pour quelles raisons ? D'autres au seuil ont déjà parlé (leurs paroles ailées vibrent encore dans le bois de la porte entrouverte). M'enfin, ils n'en savaient pas plus que moi au mếme moment. Je vous dirais, naïvement, que de toutes mes occupations, l'Amour fut la plus étrange. La plus intense. Une poignée d'âmes touchées au centre furent autant d'ouvertures, épines à ma peau d'oursin, qui piquent et me meuvent. Il faut que je conseille aux jeunes gens qui me succèderont d'en faire autant. Qu'ils ne craignent rien. L'oubli, ce robuste socle océanique, aura bien usé ces épines. Et redevenue toute ronde, lisse comme à mon premier état larvaire, je vous quitte heureuse.

  ô voix cave ... emblème d'endurance
  tu as franchi la porte
  la dernière ...
     est-ce encore ta voix au travers ?
  ou le murmure du monde
  qui, comme un chaton,
  gratte la lourde plinthe.

sd touchée

lundi 14 novembre 2016

A mon cher Typhon

Un corbeau, nommé Typhon, proposa un jeu. Il me donnait quatre mots, en échange de quoi, je devais former quatre vers. Ces mots furent: manière, orichalque, bannière, catafalque. Je ne connaissais ni orichalque, ni catafalque. Le cnrtl indique
orichalque : sorte de laiton, alliage de cuivre, d'étain et de zinc imitant l'or; l'étymologie précise «métal de la montagne», et selon une légende, cette imitation de l'or aurait constitué la fameuse montagne engloutie, l'Atlantide.
catafalqueconstruction en estrade dressée au milieu d'un lieu de culte ou de la maison mortuaire, pour recevoir le cercueil pendant la cérémonie funèbre ou symboliser celui-ci pendant une cérémonie commémorative.
Quel heureux choix, dis-donc! L'image qui me vint : fleuve de lave, bondissant, sur lequel flotte, isolée, une bannière, portée on ne sait comment par l'onde brûlante, mais qui indique la présence engloutie d'une tombe absente.

Et puis, et puis, Typhon ! La fameuse bête immonde que Zeus parvint, après une lutte terrible, à confiner sous l'Etna; on observe encore aujourd'hui, dans les jaillissements, et les tremblements, le lancinant sursaut de la bête. Indomptable. Cet animal est un noeud de pulsions hypochtoniques («sous-terraines» suffirait, mais n'est pas assez lourd) . L'épaisse dalle le contient mal.

Alors tout s'ajuste. Et ça, jaillit.

  ô indomptable coeur, large torrent de manière
  en sursaut, en scories, en lave d'orichalque
  tu portes sourdement la flottante bannière
  insigne flottant de l'englouti catafalque.

En alexandrins, car c'est la matière la plus noble, lourde de toute sa tradition. La seule, m'est avis, suffisamment massive pour contenir l'image féroce. Bon, elle ne s'en sort pas indemne, c'est sûr, ça égratigne!

Vous me direz, chères lectrices, chers lecteurs, à quoi bon expliquer ? À quoi bon faire l'inventaire des alcools versés au lendemain d'une nuit de fête ? Je dirais : orgueil et honnêteté.

Parce que. Je voudrais dire «regardez tout ce que j'y ai mis, seigneurs, j'ai dépensé tout mon soûl, voyez, voyez, c'est beau non ?». Orgueil. Ou bien «ô vous, mes juges, n'allez pas croire que je prend l'accusation à la légère. Je ne baigne plus mes fines chevilles dans l'eau innocente, mais par mes paumes, j'applique à mes fines chevilles l'âcre sueur du laboureur, en expiation.» Honnêteté.

Et puis bah, on m'a répondu «<3<3<3». Alors, cela suffit. Pourquoi voudrais-je toucher le centre de tout ce que la Terre comporte de vivant, quand un seul coeur, un simple coeur ami, frère, icône bienveillante comme une chandelle, une cire à la molesse accueillante, etc. bref, ces êtres proches, ces dieux qui sont au foyer, pour qui je défais délicatement les plis de la nappe, et prépare un pain blond chauffé sous mes mains.

Alors voilà. Puisqu'il faut être simple, je m'efforcerai désormais de défaire les coques des amandes, de moi si voisines. C'est déjà bien assez haut.

sd reconnaissante

dimanche 13 novembre 2016

Vitesse

une trace de neige blanche,
                 mousse de lait.
s'évide une poussière bleue,
                 vif arc-en-cendre.
subtile flèche de poussière,
                  vitesse brute!

(le Chasseur, sept jours endormi,
soudain, il lève son Rayon
quand la Bête, elle, s'effondre)

le Soleil, sept jours endormi,
soudain s'évide ton Tracé
quand ma Pierre, elle, se fend. 

sd, granit sous la neige.

mardi 8 novembre 2016

Contre le ventre le visage d'un ange

attention, les lignes qui vont suivre sont dures;
il s'agit de raconter l'abus sexuel dont je fus
... la patiente.

Ces derniers temps, le sexe m'intrigue. Je relisais mon carnet (je le fais souvent, sonder les paroles qui m'ont traversée) et je suis tombée sur l'énigmatique double ligne

    J'ai contre le ventre
    Le visage d'un ange.

Je ne me souviens plus des circonstances au creux desquelles je déposais ses lignes. Mais aujourd'hui, j'ai buté dessus, comme le pied contre la marche surnuméraire inattendue. Qui est cet ange ? Et m'est revenu son prénom : Edwin. (étrange prénom non?). Comme je l'expliquais ailleurs, c'est le gardien de l'école primaire qui, j'avais peut-être huit ans, un jour échappé du regard des surveillants, m'emporta dans une étroite remise sombre, ôta le bas de mes vêtements, et dévora goulument mon sexe. Quelques minutes plus tard, on frappa à la porte. Il me rhabilla, et nous sortîmes, je ne sais plus comment.

Évidemment, le qualifier d'ange est inopportun. Ça ne colle pas aux représentations, ni de l'ange ni du violeur. Et il m'est apparu que, des quelques récits de viols que j'ai pu lire, et dont je respecte la présentation, aucun ne faisait écho au mien. J'étais émue extérieurement comme toutes celles, et ceux, qui n'ont pas connu pareille expérience. Mais, je n'ai jamais reconnu mon violeur dans les portraits dressés.

J'ai déjà expliqué aussi que cet épisode fut totalement éclipsé de ma conscience jusqu'à, disons, mes quinze ou seize ans. Et que, ces images ne me troublent pas du tout. Je peux rejouer le film (je le fais là), et cela ne me fait rien.

Mais je sais, par ouï dire, que c'est horrible. Et, depuis que ma bouche s'est déliée, j'ai peut-être abusé de la situation. J'ai rapporté ce souvenir à quelques proches. Je l'ai fait pour une raison qui m'est encore obscure. Sur le moment, pour parler tout simplement. À mesure que je progresse cependant, il me semble que cet épisode exerce comme une puissance étrange sur mes interlocuteurs. Certains proches ont même pleuré. Mais, moi, cela ne me fait rien. Et je crains d'avoir usé de cette situation comme d'un charme, pour susciter l'attention, l'admiration pour «mon courage», et, indirectement, le pardon pour des fautes miennes, ou mon impuissance.

Et, ce que je m'apprête à faire là, vous donnera peut-être la nausée. Mais je veux montrer à quel point ces images, étrangement, ne me troublent pas.

ô bel ange aux belles boucles noires, ange rieur, enchanteur des cours de récréations, comme je riais à tes tours et à tes farces. Comme je m'enorgueillissais de nos secrètes transactions, et nous échangions des billes multicolores, et tu chassais les collégiens, ces grandes brutes, qui voulaient piller nos ressources. ô mon ange, aux ailes d'ombre douce, qui par un prompt mouvement, prépara l'alcôve. et contre mon ventre que tu t'offrais, moi, indécise, innocente, stupéfaite de ta divinité, je plonge mes yeux dans tes belles boucles noires. ces belles boucles noires, haletantes, douce fourrure trépignant contre ma peau. et mes mains le long de mon corps, immobiles. et mon regard arrêté au rideau de tes belles boucles noires. et - comme c'est étonnant - je me découvre un organe inconnu, par lequel je sens, sans voir, sans toucher, le rayonnement gracile de tes blanches dents. ô mystérieux spectacle d'ombres ... ainsi ai-je contre le ventre le visage d'un ange.

Quoi vous dire, chères lectrices, chers lecteurs, que je suis ... presque fière ... je viens de rédiger le paragraphe précédent d'un seul trait, sans à peine le corriger. Il s'est répandu sobrement sur cette page. Et je suis presque ... aiguisée par ces images. Et il me semble avoir conjuré quelque chose. 

Là, j'ai le coeur qui bat ... et bien, ça alors ... serais-je finalement troublée ?

sd

lundi 7 novembre 2016

Prière

Et bien, que m'arrive-t-il ? ... un merle moqueur dirait : « celle-là, qui s'échevèle, a trop longtemps sondé par son naseau le bas parfum de fleurs maladives ». Peu importe. J'ai composé. (Ou plutôt, «nous» avons composé.) En alexandrins, dans le vieux style, s'il vous plait. Académiquement boiteux, peut-être, mais sincères ... car l'objectif, que je ne vous révélerai pas, est noble. Il me faut emprunter, répéter, des voix plus illustres. Ô mais ces voix, ne nous habitent-elles pas de toutes façons ?

*

Brûle encens, de myrrhe, de buis, et d'oraison.
Monte flamme, et lève ton allure de soufre.
Défais le noeud funeste et par l'aigu tison
Fais choir la perle noire au plus intime gouffre.

Ruine de gâchis et gâchis d'encre de chine,
Temple effacé de pluie, douleur au fond du coeur,
Comme il parait lourd et dur ton socle d'épines,
Comme il pèse à nos chairs sa masse de torpeur.

ô Magicienne, ô Indécise, ô Prophétesse
Qui chante la ruine versée au noir chaudron
Aux flammes des regrets un souvenir de liesse
Un souvenir de laisse au cou comme du goudron.

Nous, apôtres des vents, des côtes lézardées,
Des marées, haletant le zeste amer d'erreur
Buvons récalcitrant la coupe chamarrée
Où renifle et tressaille l'infinie langueur.


L'ombre envahit la pièce, le parfum, seul, persiste.
Dans la marmite bout la soupe, de destin,
De signes, d'énigmes, de gâchis, de bleus kystes
Cloches tintantes ! Foudre ! Éclaire le festin !

L'Ange en son vol, troublé, se dérange, s'incline.
Comme un flocon de neige en hiver, l'Être pleut
Sur l'étrange souper, ôte l'eau purpurine,
Et d'un charme divin, apaise son ciel bleu.

Soudain, la pâte lève en blondeur, cénacle
Où fleurit, ô douceur, le gâteau du Printemps.
Aux douloureux gâchis succède, ô lent miracle,
Une bise sucrée aux lèvres hors du Temps.
 
ô Magicienne, ô Indécise, ô Prophétesse
Qui craignait l'illusion, vois maintenant l'or blond
Déborder du chaudron, déverser l'allégresse
Aux bords accidentés de ton petit coeur tout rond.

Fleuris encor, bouton jaillissant d'étincelles
Industrieux métal, sucre cristallisant
Fige caramel la dose pointue de sel,
La statue amer, inclinée d'un trait pisan.


Mangeons donc ce gâteau; à nos bouches de glace
Affluent les rivières de lait chaud du Soleil.
Ménageons pour nos mains une belle place
Aux rayons nourriciers de l'astre vermeil.

sd purpurine

dimanche 6 novembre 2016

Il coule le lait sur l'immense plaine

Et bien voilà, je crois bien être un peu amoureuse. D'une sorte toute fraîche. Comme le chétif trèfle, qui agite ses quatre feuilles, par ci, par là. Ô déesse aux belles boucles de cheveux d'or tressés, je n'ai que peu de pièces en offrande, mais, toutes, je les dispose sur ton autel. Et les quatre batônnets, de myrrhe, de cannelle, de safran et, le dernier, de soufre, dispersent leurs ardeurs en fumée vers ton trône d'azur. «Vers où devons-nous flotter ?», se disent-elles, «par ici, ou par là, ou encore comme ci, ou encore comme là ... ô inatteignable destination, exigeante destination qui impose le doute dans nos mains en gouvernail ... atteindrons-nous ton rivage un jour, Déesse ?».

Évidemment, tout ça me coûte, et cela est encore trop peu. Le marbre de ton autel reste
muet.

Marbre. Pierre froide. Témoin de l'absence. Tu es là pourtant, qui
par le scintillement cristallin,
comme la neige au soleil lointain,
jure d'avoir connu la Déesse incandescente.

*

Ô Déesse de l'Amour ... tes voies sont retorses. Ce que je demande, tu ne me le donnes pas. Et ce que tu me donnes, l'ai-je demandé ? Je ne dois pas refuser pourtant. Il faut plaire aux immortels. Ce que tu me donnes : une bouche comme une cage ouverte, des milliers d'ailes noires affluent, et quelques ailes blanches. (des flocons de neige comme une tempête en hiver ?)

**

Ah mes chères lectrices, mes chers lecteurs, je vous prend au dépourvu. Je ne vous ai pas expliqué. Je joue, moi aussi, la Déesse aux voies retorses, et vous malmène sur la vaste plaine. J'ai rencontré quelqu'un d'autre récemment. Elle est belle. Mais ma bouche, d'égoût ouverte, a trop dit. Et mes histoires ont brisé l'élan. (vous savez ces histoires.) Je suis trop idiote ... Mais, ô Déesse, qu'est-ce qu'elle est belle ...
ô L**
Il brûle le ciel de plomb sur l'immense plaine.
Les hautes herbes, sèches comme le sable,
endurent.
Et, tapis dans la poussière rose, deux yeux félins, et le sourire (ô beauté...) révèle le croc...
ô L**, voyante parmi les herbes sèches comme les pierres,
ô L**, le croc de ton regard m'a percé.
il coule le lait sur l'immense plaine.

sd ... sans épithète