mercredi 7 décembre 2016

Quelques sonnets approximatifs

Je me suis exercé à une forme simple de sonnet, en reprenant, en creusant, une très belle image que me souffla grâcieusement mon nuage d'automne. Ainsi s'agit-il d'une sorte de composition à deux.

Ce fut pour moi très instructif, l'occasion d'absorber plus intimement encore les particularités rythmiques de l'alexandrin, l'alternance de rimes pseudo-masculines/pseudo-féminines, l'élision de l'e féminin à la césure, etc. Je n'ai pas la force aujourd'hui d'exposer toutes les tracasseries techniques. Sachez, en tout cas, chère lectrice, cher lecteur, que c'est la première fois que je rumine autant un texte avant de l'exposer (certains de ces sonnets ont requis une bonne après-midi de décompte, de consultation encyclopédique, etc.). Que voulez-vous, quand j'aime, je compte mes pas.

Sur ce, trève de courbette, et de notes d'intentions.

*

Il souffle sous ma peau une flamme d'automne,
Caressante brûlure en fétu fleurissant,
Et dans mes veines d'eau se déverse et bourgeonne
La maille d'or blanchi de ce feu blondissant.

Mon pas, lourd, comme l'eau sous la pierre abyssale
Enfonce une racine en l'humus déflétri,
Lasse, aveugle et souffrant le filet baptismal
D'une source salée depuis longtemps tarie ...

Ô douloureux rameaux de ma métamorphose
Et les noeuds  de ma chair en lignification
À mon coude, à ma main, à mes fins doigts de rose,
Voici donc l'effet, Feu, de ta supplication,

Quand de ma peau transpire et l'ambre et la résine
Souvenir de ma chair, de mon eau purpurine ?

*

Écorce craquelée de sève en crémation
Qui trace le réseau de mailles arachnides
Où perle la résine en sainte immolation
Où tombera l'abeille au miel noir de Chalcide.

Ô abeille liée au gouffre fleuri d'yeux
Prisonnière des rets de cendres et d'étoiles,
Nuit théorique où git, météore des dieux,
Ton charbonneux écrin, le sucre de ta moelle.

Adieu, bulbe noirci sous la cloche d'airain,
Cataracte de fer sous d'ardentes nuées
Je m'ouvre comme toi, reine en cendre muée
Air subtil pénétrant le musc de ton écrin,

Me voici encensoir de douloureuse absence,
Au creux d'air calciné promenant mon essence.

*

Ô essence dans l'air où s'évase le grain
Promesse de brasier aux feuilles de mes frères
Tilleul, orme, bouleau, et le chêne serein
Tous brûlent maintenant d'un soufre délétère.

Et l'aigle qui détoure un cercle fin d'azur
Et la noble lignée des astres qu'il charrie
Ceuillent en ce bois noir le signe clair et pur
D'étoiles dissipées en ineffable nuit.

Il règne désormais sur la joue de ce monde,
Bouillonant jadis d'or en gras faisceaux de blé,
Une béance ignée de nos cendres féconde,
Que le chant du Phénix même ne peut combler.

Ô abeille cendrée, reine aux rayons suprêmes
Rouvriras-tu un jour sous ce feu ton oeil blême ?

*

Que reste-t-il encore en ce lieu dépeuplé ?
Rien, sauf peut-être un signe, une pointe dansante
Un bulbe lumineux sous la pierre écroulé
Vif témoin de ta braise à ma lyre impotente.

Signe de sève où roule un vétuste château
Traversé de l'Euros  en promesse d'hiver,
Qui de sa gorge blanche efflorant son étau,
Emprunte au noble alcyon sa plainte salutaire.

«Ô reine consumée, dressée du signe absent
Toi, ma cendre, mon bois, ma feuille, mon pistil
Traversée de présence en coquille de son,
Éclate encore, pierre, en alvéole d'îles,

Coquilles de ma sève à ta ruche liée,
Et jaillis, Reine d'or, de ton ombre noyée.»

*

Hélas, rien ne répond à ma sève qui coule,
Ce chancelant reflet du fol écho des dieux.
Rien ne répond, et tout à mes branches déroule
La guirlande brûlante en perles à mes yeux.

Ma sève desespère au goulot d'alambic,
Ce creuset silencieux stillant de firmament.
Et l'ombre d'une étoile, et l'ombre de ton pic,
Finissent d'assommer le front de mon tourment.

Las! Empierrant mon coeur de lierre décisif,
Coeur-amande brûlée, de ta cendre nourrie,
J'établis le rempart, la muraille, le récif
Autour du puit d'oubli où je tombe en scorie.

Ô adieu vaste monde aux écloses frontières
Je me tais, désormais, en silence de fer.

*

Mais ... mais quel est ce son qui vole jusqu'ici ?
Ô familier bourdon noir de ma solitude,
Est-ce toi ? ou alors, mon oreille durcie
Qui embourbe, encloché, le fil de ma quiétude ?

Ô, je te reconnais, signe de son aura !
Moi, dans la sève d'or écoulée en mirage
Moi, qui me scellait presque à l'ombre de mes bras
Mais, pas assez, oh non, pour bannir ton image !

Et me voici de l'air d'absence revenu,
Je retrouve mon tronc, mon bois, ma densité
Par le seul battement de tes élytres nus.

Ô, ma reine, ma source à ma paume abreuvée,
Ô miracle de l'eau où je trempe la fresque
De ton oeil, de ton or, de toi qui partais
                                                                  presque

L/SD

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